Rues, Places…
Des rues, places et autres lieux …
Article paru in extenso dans le Bulletin L’AMI DE PEZENAS112-2025-03P18-21
Au printemps dernier avait lieu devant l’hôtelde Peyrat, l’inauguration du parvis Claude Alberge, en présence de sa famille, de la municipalité, du grand conseil de la Très Noble Confrérie du Petit Pâté de Pézenas dont il fut l’un des créateurs et de nombreux membres de l’association Les Amis de Pézenas dont il avait été président par deux fois.
Juste hommage rendu à l’historien et à l’animateur infatigable de sa ville natale qu’il fut toute sa vie.
En 2004, Claude Alberge publiait aux Éditions de la Tour Gile,dans la collection « Villes et Terroirsd’hier à aujourd’hui », une Histoire de Pézenas par les rues et les places. Dans cet ouvrage aujourd’hui épuisé, il nous faisait découvrir d’une manière nouvelle, l’histoire de notre cité, notamment en nous contant celle de nombreuses personnalités piscénoises, souvent « d’illustres inconnus » pour le commun des mortels, dont le nom avait été attribué au cours des ans à des rues, places et autres lieux de notre ville.
Depuis lors, de nouveaux noms de personnalités locales sont apparus et il nous a semblé intéressant d’essayer de compléter son travail en donnant quelques précisions sur ces personnalités : le docteur Isidore Alazard, Claude Alberge et Joseph Alranq.Nous précisons que dans son livre, Claude Albergeavait consacré un chapitre aux « oubliés » dont il dressait le portrait et dont certains ont depuis été sortis de l’oubli : Lord Clive (1725-1774), Jean-François L’Épine (1732-1817), Alfred Maurel (1900-1988), Georges Sutra de Germa (1930-1995).
ISIDORE ALAZARD (1807-1854)
Article paru in extenso dans le Bulletin L’AMI DE PEZENAS 112-2025-03 P18-19 par Alain Sirventon
Sur les trois noms proposés par les Amis de Pézenas à la demande du conseil de surveillance du Centre hospitalier de Pézenas,celui de Isidore Alazard fut retenu pour l’EHPAD de notre ville.
Nous connaissons peu de choses de sa vie. Isidore Alazard est né à Pézenas en 1807, de Jean Etienne Alazard, médecin, et de Jeanne Thérèse Rosalie Prax dont la famille possédait l’hôtel du Tapis Vert situé place du marché des Trois-Six, dans lequel le papePie VII coucha le 4 février 1814, à son retour de Fontainebleau où il avait été retenu prisonnier ; ilépousera à Adissan en 1844, Noémie Rosalie Bernard. Il sera médecin de « l’Hospice de la Charité de Pézenas », notre actuel Centre hospitalier, transféré en ces lieux, l’ancien couvent des Ursulines, en 1793. Dès 1189, une Maladrerie existait déjà dans notre ville, complétée par un Hôpital des Pauvres en 1516, le tout réuni en 1666 dans un Hôpital Saint-Jacques situé alors dans l’actuelle rue Denfert-Rochereau.
Au temps de Isidore Alazard, « l’Hospice de la Charité de Pézenas » était tenu par la communauté des Filles de la Charité, plus connues sous la dénomination « Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul », qui se dévoueront dans cet hôpital jusqu’en 1955, date de leur départ de Pézenas.
L’Établissement, communément dénommé « l’Hôpital», comptait au début du XXe siècle, un hospice, un service de médecine et de chirurgie, une maternité et un important orphelinat faisant office de précurseur en la matière. En effet, une maison de vacances pour les orphelins, justement appelée Saint-Vincent, avait été créée au Grau-d’Agde, en bord de mer et était en grande partie approvisionnée, Vainsi que l’orphelinat, avec les produits de son propre jardin potager.
Cet hôpital a joué un grand rôle dans la vie piscénoise, en raison notamment de sa situation en ville et de la proximité de son personnel avec les patients, les pensionnaires que l’on rencontrait tous les jours enville et les piscénois qui venaienty chercher assistance et secours, surtout les plus pauvres.
Nous savons par un autre médecin piscénois, le docteur Achille Bastard (1825-1884), père du docteur François Bastard, bienfaiteur de la ville, contemporain de Isidore Alazard, que ce dernier s‘est beaucoup dévoué pendant la terrible épidémie de suette miliaire qui a touché notre département en 1851 et fit de nombreuses victimes à Pézenas et dans les villages environnants.
Dans son ouvrage paru en 1867 intitulé Étude sur le traitement de la suette miliaire, le docteur Achille Bastard dira de son confrère, je le cite :
« Le docteur Alazard, le plus répandu de Pézenas, le plus estimé, personne ne nous contredira, un de ces hommes rares, l’honneur du corps auquel il appartient et dont nous avons pu apprécier nonseulement l’amitié et le savoir, mais encore le dévouement pour tous, est pour nous une autorité ».
Isidore Alazard exercera la médecine durant une vingtaine d’années et décèdera jeune, en 1854, à l’âge de 47 ans, vraisemblablement d’une suette sporadique, maladie qu’il avait courageusement combattue durant sa courte vie.
Sur son tombeau, dans le cimetière vieux de notre ville (carré B – dernière rangée), on peut toujours lire l’épitaphe suivante : « Il fut généreux envers les pauvres. Il emporta tous les regrets ».
Alain Sirventon
CLAUDE ALBERGE (1935-2013)
Né en janvier 1935, Claude Alberge aurait eu 90 ans cette année ; nous aurions tellement souhaité que sa personnalité continue à infuser sa chère ville de Pézenas.
Il est évident que notre revue avec un article sur les personnalités nouvellement mises à l’honneur par les noms attribués à des places ou des rues, se devait d’évoquer Claude Alberge, lui qui a tant donné avec son fameux livre Histoire de Pézenas par les rues et les places, une référence pour tous les piscénois. Né à Pézenas, ayant vécu toute sa jeunesse dans cette ville, imprégné de l’histoire de sa ville, de ses traditions, de ses bâtiments, il fait ses études au lycée de Pézenas, actuellement la mairie et ses services, puis à l’université de Montpellier ; il se retrouve professeur d’histoire-géographie au lycée de Carcassonne pour son premier poste avant de partir comme appelé en Algérie jusqu’en 1962. Au retour il est nommé enseignant au lycée de Pézenas et trouve le bonheur auprès de Christiane en 1965, Christiane qui a cheminé toutes ces années à ses côtés en l’encourageant sans cesse. Il devient proviseurpour la fin de sa carrière, particulièrement au lycée hôtelier de Carcassonne où il retrouve un de ses violons d’Ingres : la pâtisserie. Car il ne faut pas oublier ses incursions dès la classe de seconde dans le domaine de la pâtisserie auprès de Jo Cabrol, où il est devenu le chantre des petits pâtés et des choux à la crème. Ceux qui ont eu la chance de les goûter s’en souviennent avec émotion. Par son attachement à l’éducation populaire, à la laïcité, il a transmis à des générations d’élèves, d’étudiants, d’adultes venus écouter ses conférences à la station Mir, d’élus, son amour de l’histoire. Personne ne pouvait être indifférent à sa persuasion d’agir pour l’animation de la ville, pour le patrimoine de Pézenas. Au service de la culture il n’était jamais à court d’idées : conférences d’histoire de l’art, restauration de l’église de Conas,de la chapelle Saint-Roch, sorties au théâtre, après-midi littéraires, bibliothèque dans le local des Amis de Pézenas, création de Pézenas Enchantée, de la Mirondela dels Arts, formation des guides du Syndicat d’Initiative, n’oublions pas la Très Noble et
Très Gourmande Confrérie des Petits Pâtés dont la recette est inscrite à l’INPI grâce à sa ténacité…, la liste est longue ! Il est devenu par deux fois le président des Amis de
Pézenas, association créée en 1921 par Albert-Paul Alliès, association qu’il a servie avec passion et dévouement de nombreuses années en ayant un regard aigu sur la préservation du patrimoine et alertant sans cesse sur les dégradations et les
restaurations à venir.
Mais son coup de maître ce fut de faire revenir le fameux fauteuil de Molière de la boutique du Barbier Gély malgré les doutes de la DRAC. Installé depuis 2009 dans les salles qui lui sont consacrées au musée de Vulliod-Saint-Germain, musée créé en
1942 par le legs de la famille de Vulliod, l’histoire
de Pézenas s’enorgueillit des longs séjours de Molière grâce au soutien du prince de Conti,gouverneur du Languedoc. Claude Alberge s’est distingué aussi par ses écrits nombreux sur l’histoire de cette ville et du Languedocqui dévoilent des facettes inattendues, histoire, légendes, âme de ses habitants. Son travail d’écrivainest une référence pour tous ceux qui veulents’imprégner de cet air propre à Pézenas, de la vied’autrefois, du patrimoine, du passage de l’histoire.
Claude Alberge ne passait jamais inaperçu avec sastature imposante, sa voix puissante ; ses aviséclairés et tranchés ont touché tous ceux qui l’ont côtoyé.
Son action fut prépondérante dans le rayonnementde Pézenas à l’extérieur, donnant une nouvelle
vitalité à l’héritage piscénois afin de transmettre aux générations futures un patrimoine préservé et valorisé.
Il était juste qu’un hommage lui soit rendu, qu’une place de la ville porte son nom, lui qui a tellement parcouru, tellement regardé, tellement aimé cette ville.
Marie-France Dessenoix
JOSEPH ALRANQ (1919-2017)
De très nombreuses personnes se sont déplacées le vendredi 15 novembre 2024 à 11 h à l’entrée du Lotissement La Perrière, pour rendre hommage à Joseph Alranq, en présence du maire de PézenasArmand Rivière, de la famille Alranq, des membres du conseil municipal qui ont approuvé à l’unanimité la proposition de nommer cette rue « Joseph- Alranq ».
Le maire a expliqué : « Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour rendre hommage à Joseph Alranq dit « Jesse », résistant piscénois, le jour de son anniversaire – il aurait eu 105 ans – et à l’occasion des 80 ans de la Libération de Pézenas, c’est pour marquer notre respect pour une vie d’engagement et pour son rôle dans la Résistance piscénoise face à la collaboration pétainiste et à l’Allemagne nazie. C’est aussi transmettre notre Histoire et ses valeurs ainsi qu’honorer celles et ceux qui ont fait le choix de l’ombre pour que nous demeurions la patrie des lumières. Nous leur devons la Libération de la France et notre liberté ».
Lors de cette période tragique de notre histoire, aux côtés de Joseph Alranq, se trouvaient Louis Vacassy, Auguste Courren, Marius Flores, René Combes, Félix Fabre, Joseph Garris, André Loubières, tous coéquipiers de « Jesse » au sein du Stade Piscénois.
En effet, Joseph Alranq, né le 15 novembre 1919 et décédé à Pézenas le 11 mai 2017 à l’âge de 98 ans, fut l’un des plus grands joueurs de rugby de Pézenas ; avec lui disparaissait le dernier représentant de cette légendaire équipe du Stade Piscénois qui disputa dans les années trente le championnat de France de 1ère division Excellence pendant 15 saisons consécutives.
Il débuta en équipe première du club à l’âge de 18 ans, au poste de trois-quarts centre, lors d’un match de Championnat disputé le 17 octobre 1937 contre l’AS Béziers à Sauclières.
En raison de sa vitesse de course exceptionnelle, il fut surnommépar ses coéquipiers « Jesse » en référence au sprinter américain Jesse Owens, quadruple vainqueur aux JO de Berlin de 1936 du 100 m, du 200 m, du relais 4×100 m et du saut en longueur.
Sa carrière rugbystique s’annonçait brillante, il fut retenu à plusieurs reprises dans la sélection du Languedoc-Roussillon qui, à cette époque, dominait le rugby français, mais les années de guerre ne purent lui permettre d’exprimertotalement son talent.
Le Stade Piscénois se trouvant relégué en divisions inférieures au début des années cinquante, il continua à jouer en équipe première à plus de 35 ans en compagnie de Louis Vacassy, Georges Fraissinet,Auguste Courren et André Combes, afin de transmettre à la jeune génération d’après-guerre sa passion et ses compétences.
Il fut par la suite un éducateur apprécié et reconnu des jeunes du club à partir de 1956 et jusqu’en 1968.
Au début des années soixante, il prit en mains successivement les équipes de minimes, cadets et juniors auxquelles nous appartenions avec son fils Claude, et nous pouvons témoigner qu’il n’avait pas son pareil pour motiver un groupe de jeunes gens, pas plus doués que d’autres, mais unis par l’amour du maillot violet et blanc et il était hors de question pour nous de ne pas sortir la tête haute de stades tels que Cassayet à Narbonne ou Sauclières à Béziers, stades sur lesquels ses exploits restent légendaires.
Cet homme passionné de rugby jusqu’à l’excès, parfois rouge de colère pour un plaquage raté ou une passe manquée, n’avait, après le match, que des paroles paternelles envers ceux qu’il considérait comme ses « petits ».
On dit d’un entraîneur qu’il doit être entraînant, Jesse savait mieux que personne nous transmettre ses valeurs de solidarité, d’abnégation, de respect du coéquipier, d’humilité dans la victoire comme dans la défaite, afin de tirer le maximum de son équipe.
Résistant de la première heure pendant l’occupation allemande, communiste militant, il avait de ces années noires conservé un esprit de camaraderie dans le combat et de refus de l’abdication qu’il nous a communiqués avec passion et qui, jeunes adolescents, nous a aidé à grandir.
Il restera pour nous tous un exemple de vie.
Raoul Saurou et Jean-Luc Clerc
