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Croix des chemins

Croix de chemin, chemins de croix: d’émouvants signes de ferveur populaire.

par Francis Médina

Croix de chemin, chemins des croix : une invitation à la promenade et à la découverte

Croix du pontil de Conas, Croix du chemin de Pautel, Croix de la Grange Rouge, Croix de la Bataille… Autant de témoins de la dévotion populaire érigés par nos ancêtres que nous pouvons découvrir, tout au long de nos promenades, sur le territoire communal de Pézenas.
En pierre, en fer forgé ou en fonte, imposantes ou modestes, droites sur leur socle ou penchées, elles restent un signe chrétien jalonnant la campagne ou sont englobées dans la ville qui grignote peu à peu l’espace rural.
Une équipe des Amis de Pézenas animée par René Loubet a repris le flambeau d’une commission qui, dès les années 80, avait déjà tenté d’inventorier et de sauver ces éléments patrimoniaux de nos paysages. Certaines restaurations avaient été menées à bien, d’autres encouragées. En parcourant à nouveau les chemins des croix, les participants ont pu, au cours de plusieurs après-midi conviviales, revoir et corriger l’inventaire et, pour beaucoup, en découvrir la diversité.

Un patrimoine religieux disséminé

Les occasions d’ériger, ici ou là une croix ont été multiples. Elles sont à la fois les révélateurs de la vivacité individuelle ou collective de la foi et de la volonté ecclésiale de consolider l’empreinte du catholicisme dans la vie quotidienne après les temps de crise. On observe ainsi une forte intensité d’implantations aux XVIIème, XVIIIème, XIXème siècles.
Elles étaient placées à tel ou tel endroit précis ne serait-ce que pour marquer et sanctifier une croisée de chemin ou limiter un territoire foncier ou paroissial. Les croix étaient des repères pour les voyageurs et l’invitation à un moment de repos et de prière. Le nom de la croix a pu se confondre avec celui du chemin comme dans le cas de la « croix de Vias » près de Saint Jean de Bébian au Nord de Pézenas. Parfois, la croix a été dressée après la mort subite d’un être cher, le plus souvent à l’endroit précis du décès comme on dispose aujourd’hui d’humbles bouquets de fleurs sur le tronc d’un arbre, en mémoire d’un accident mortel de la route. Une guérison, une conversion ou un acte de piété collective de la paroisse sont souvent à l’origine de la présence d’une croix. Dans le cimetière du hameau de Conas, une grande croix en fonte moulée se dresse sur sa colonne de pierre à l’ombre de la façade sud de l’église Saint Martin, en hommage aux morts de la paroisse. Quelques mètres en avant, sur la place du Mourras, une croix de village été placée au coin d’une maison comme pour protéger la communauté et indiquer le chemin du sanctuaire. Ailleurs, au S.E. de la ville dans la plaine inondable, le chemin de la Barque environné de roseaux qui suit un ancien lit de Peyne, est dominé par une belle croix métallique de 1,98m. Une famille piscénoise l’a érigée à la suite du deuil d’un enfant. Elle porte les initiales E et L et deux dates : 1916 et 1927. Elle est probablement la dernière installée dans la campagne piscénoise.
C es petits monuments étaient imprégnés d’un caractère sacré qu’aucune profanation ne pouvait leur enlever tant était forte la mémoire privée ou collective qui leur était associée.

 

Un petit sanctuaire champêtre

Si, fondamentalement, la croix, par sa forme, rappelle la Passion du Christ, elle peut s’enrichir d’un décor ou d’un environnement qui en fait un véritable petit sanctuaire champêtre.
Sur le carrefour du Chemin de l’Auribelle haute, près du domaine de Bellevue ou au croisement du Chemin bas des Eglises et de la route de Caux, des oliviers ou des cyprès encadrent le symbole chrétien. Sur l’ancienne route de Castelnau de Guers à l’angle de la Carrière Mercadale, une belle croix de pierre restaurée est complétée à sa base par un petit bénitier creusé par un soldat de la Première Guerre Mondiale, dans la pierre du socle engagée dans le mur. En ville, à l’angle de l’avenue du 8 mai 1945 et de la route de Roujan, logée dans une petite abside, une croix métallique est juchée sur une haute colonne cylindrique de pierre. Elle organise sa fine dentelle autour d’un cœur et d’une couronne. A ses pieds, a été installé comme souvent un bénitier, quelques cyprès plantés par le propriétaire du jardin attenant veillent sur ce modeste oratoire.
Les instruments de la Passion fournissent un thème de décor. Sur la grande croix de pierre du petit carrefour aménagé dans le nouveau quartier de Plaisance, des clous sculptés figurent aux endroits précis du supplice, ailleurs, les branches des croix de fer se terminent en forme de lance aigue. Un ensemble presque complet des instruments de la Passion (lances, roseau avec éponge, couronne d’épine…) est visible sur la croix de la place du Mourras à Conas.
Une Vierge, environnée de fleurs de lys et de guirlandes de lierre enrichit la croix de fonte moulée datée de la deuxième moitié du XIXème siècle près de la Grange Rouge, Route de Tourbes, à l’angle du magasin Intermarché. Toujours sur une croix en fonte moulée très ouvragée, proche du domaine de Roquelune, route de Caux, le Christ en croix est entouré de deux anges adorateurs, de fleurs, et des symboles des quatre évangélistes, tandis qu’à la base, un ange aux bras croisés semble inviter au recueillement. Singulières sont aussi les extrémités en forme de boules sur les branches des grandes croix de pierre de Saint Jean de Bébian, du chemin de la croix de Vias, ou du chemin de Plaisance, face à une des dernières maisons du nouveau lotissement.

Des inscriptions à déchiffrer

Sans toujours être claires, placées sur les faces du socle ou sur la croix elle-même, elles peuvent nous aider à comprendre la mentalité d’une époque, les buts recherchés, le souvenir enregistré, avec parfois en supplément une date très précise permettant de situer l’édification de la croix.
Très souvent, sur la partie supérieure, inscrites en biais, les lettres INRI (Jésus de Nazareth, Roi des Juifs) on subi l’usure du temps. Les trois lettres IHS, le H souvent surmonté d’une petite croix (Jésus Sauveur des Hommes) apparaissent aussi fréquemment et rappellent au passant le sens de la mort du Christ. Des formules plus complexes invitent à la méditation et sont une fois ou l’autre accompagnées de deux initiales qui pourraient être celles du donateur. Au carrefour de la Paix (croix du Pontil de Conas) « in hoc signo vince(s)» (par ce signe tu vaincras).Cette allusion au songe de l’empereur Constantin qui aurait obtenu la victoire sur son rival Maxence en plaçant le signe de la croix sur son étendard est-elle un appel à la conversion ?
Près du domaine de Plaisance, le socle de pierre porte curieusement sur sa face arrière qu’il a fallu déterrer (n’a-t-il pas été replacé à l’envers ?) la recommandation :
« En passant et repassant pries Dieu pour le pauvre Jean. AV-FB »
A côté du domaine Saint Roch (à la sortie Ouest de Pézenas), la grande croix de pierre repose sur un double socle. Sous un beau chapiteau sculpté probablement médiéval, récupéré dans un ancien édifice religieux, se trouve un bloc de pierre avec l’inscription : « Gens qui passés priés Dieus pour les trépassés. M.F 1806 »
La croix de la Bataille marquant autrefois l’emplacement du cimetière des soldats de l’An II, morts à l’hôpital de l’Egalité à Pézenas et déplacée sur le mur de la propriété de M.Guerin, derrière le Stade, porte sur deux faces du socle l’inscription suivante :
« Pries Dieu pr lame des mors entérés ici en 1791 »
« Cimetière de la revolution.fondatur Pier Alber-1791 »
Si l’évocation est touchante, la date de 1791 ne peut être exacte, vu la chronologie des opérations militaires révolutionnaires !

Une restauration à poursuivre

Reflets de pratiques religieuses populaires, traces dans nos paysages d’un patrimoine collectif esthétique ou émouvant, ces repères placés sur nos chemins méritent un entretien, une restauration ou une réhabilitation. Ces petits monuments sont souvent menacés de disparition, de vandalisme ou d’indifférence.
Si pour certains, il est déjà trop tard, il faut toutefois signaler que des initiatives publiques ou privées ont parfois été prises. Ainsi à l’occasion de la réalisation du carrefour de la Paix à la sortie ouest de la ville, on a déplacé la croix du Pontil de Conas. Elle est aujourd’hui sauvée et bien mise en valeur au milieu des lauriers rouges. Plus récemment, un petit carrefour a été aménagé au cœur du nouveau quartier de Plaisance. En son centre a été placée la grande croix de pierre de 2,50m de haut et portant la date du18 may 1683. Elle se trouvait juste à quelques mètres de là, à la croisée de deux chemins. Sur le chemin bas de Conas, une croix de pierre de 1,31m, sans doute raccourcie, se dresse à nouveau sur son socle dont la face extérieure devait comporter quelques inscriptions. Deux voisins, MM Grenier et Hurtado, ont accompli ce remarquable travail, il y a quelques années. D’autres bonnes volontés sont aujourd’hui attendues pour poursuivre de telles restaurations. Les opérations à mener sont plus ou moins importantes. Dans certains cas, comme au Gué de Peyne, proche de la route de Roujan, la croix est en place mais n’est plus visible en tant que telle. Le lierre l’a tellement recouverte qu’elle se dresse tel un arbre avec ses branches ! Ici, il faudra seulement la dégager de l’envahisseur. Ailleurs, c’est la croix retrouvée qu’il faudra redresser sur son socle…
Débroussailler, nettoyer, consolider…permettra de valoriser ce petit patrimoine et de réaliser, comme ailleurs, des itinéraires de promenades qui seront autant de « chemin des croix » à travers notre campagne piscénoise.
Francis Medina

 

paru in extenso dans L’AMI DE PEZENAS – ADP 39 septembre 2006

 

 

Les Croix de Chemin : Sauvegarde du patrimoine Une croix de chemin cassée…

Après avoir été alertés du fait que la croix de chemin située dans un carrefour du sud de la ville ( Avenue de Castelnau – Carrière Mercadale) était cassée, quelques membres du groupe chargé du patrimoine des Amis de Pézenas ont pu constater les dommages sans pour autant en comprendre les causes.

Au delà de toutes les hypothèses envisagées, ils ont pu toutefois estimer que la restauration n’était pas totalement impossible.
Il reste cependant à envisager comment et avec quels moyens relever et restabiliser cette belle croix .

Comme on peut encore le voir, elle surmontait un petit bénitier sculpté en creux dans le bloc de base et la tradition veut que ce travail aussi délicat qu’harmonieux ait été fait par un soldat de la guerre de 14-18 en résidence momentanée dans les locaux du très proche ancien couvent des Ursulines…

Croix cassée Pézenas

 

Croix cassée Pézenas

Une croix de chemin cassée… et restaurée

Décembre 2015
Sur l’ancienne route de Castelnau de Guers, la croix de pierre se trouvant à l’angle de la carrière Mercadale, qui était endommagée, a été restaurée par l’entreprise piscénoise Marbrerie Milhau, grâce aux Amis de Pézenas et à la famille Barascud, propriétaire du terrain.

René Loubet et Pierre Richez on t profité de cette restauration pour débroussailler et nettoyer le socle sur lequel un bénitier a été creusé par un soldat de la guerre 1914-1918, en garnison au couvent des Ursulines se trouvant à proximité. Merci au « jardin de Jean-Claude » pour son accueil.

Dégagement de la croix par les bénévoles des AMIS DE PEZENAS

 

Croix des chemins restaurée

Une nouvelle croix découverte et restaurée mars 2019

 

ADP Bulletin 88 mars 2019 p18 Une nouvelle croix découverte et restaurée par Dominique Lemaître-Mory

Dès les années 80, l’association des Amis de Pézenas a fait l’inventaire des croix des chemins sur le territoire de Pézenas.

Certaines d’entre elles ont fait l’objet de restaurationssous l’égide de notre association.

Depuis, divers recollements faits par René Loubet et son équipe ont été effectués mais force est de constater que, depuis, une part ce patrimoine, témoin des événements modestes de la vie rurale et de la piété populaire, a disparu par négligence voire par l’esprit de lucre.

Cependant, il en existe encore qui ont échappé à l’inventaire dressé avec la plus grande conscience par les Amis de Pézenas. Au printemps dernier, Francis Ventura, au gré d’une promenade, a découvert une croix de pierre renversée et à demi ensevelie sur la rive du Rieutort.

Cette croix semblait être de taille importante et nécessitait d’être redressée. Une équipe de bénévoles de l’association a donc entrepris de dégager ce monument.

Lors de la première excavation, pratiquée manuellement, il s’est avéré que la croix avait été cassée enplusieurs morceaux et qu’il était nécessaire de faire intervenir une pelle mécanique pour assurer son dégagement total.

La municipalité, alertée, a donc dépêché une équipe des services techniques qui a poursuivi les fouilles et a exhumé la totalité du monument qui reposait sur un socle de pierre.

La datation de ce monument qui, contrairement aux espérances, ne comporte aucune inscription pourrait être du XVIIIe siècle. Selon les cadastres anciens, il était à la croisée d’un chemin, aujourd’hui disparu, qui, partant de Roquelune et longeant le Rieutort, rejoignait le Chemin-Bas-des- Eglises.

Notre association a pris en charge la restauration et, pour le mettre en valeur, la municipalité a fait réédifier l’ensemble sur un terrain municipal à l’entrée du chemin menant à Sainte-Croix à l’emplacement d’une croix disparue.

Souhaitons qu’à l’avenir de telles actions puissent être renouvelées si d’autres croix venaient à être découvertes.

Nous remercions les équipes de bénévoles et celles de la Ville pour la réhabilitation de cette croix. Dominique Lemaître-Mory L’Ami de Pézenas – Mars 2019 18