Détails architecturaux – statues
LES MASCARONS DE PEZENAS
Les mascarons de Pézenas, Une touche de fantaisie et d’élégance par Anita FRANCO
ADP Bulletin 92 mars 2020 p4-26 Les mascarons de Pézenas par Anita FRANCO
Un mascaron : c’est quoi ? Un mascaron est un ornement sculpté représentant un visage humain, animal, fantastique ou grotesque. Étymologiquement le terme provient de l’italien « mascherone » qui signifie grand masque et dériverait lui même de l’arabe « mascara » c’est-à-dire bouffonnerie.Ces têtes ou masques de fantaisie sculptés décorent les clefs d’arcade, les fontaines, les portes. L’usage de ces visages remonte à l’Antiquité. Ils avaient un rôle protecteur, ils étaient censés éloigner les démons. Au Moyen Âge l’usage des sculptures aux représentations démoniaques enrichit le répertoire décoratif de ces visages de pierre. Au XVe siècle, suite à la découverte des peintures antiques de la Villa Auréa à Rome, appelées “grotteschi“, la Renaissance italienne va remettre au goût du jour ce répertoire ornemental. Les artistes italiens venus travailler pour François 1er à Fontainebleau vont s’en inspirer. Les recueils de gravures de l’architecte Jacques Androuet du Cerceau vont également contribuer à la diffusion de ces ornements. À Versailles, au XVIIe siècle on voit apparaître de nouveaux modèles qui vont enrichir le genre.
Le XVIIIe siècle, la grande mode des mascarons- Au XVIIIe siècle, le goût de la fantaisie, de l’exotisme, l’embellissement du cadre de vie, vont faire du mascaron un des ornements incontournables de l’architecture et de la modénature des façades. Toutes les villes vont se l’approprier et Pézenas ainsi que les villages de la basse vallée de l’Hérault n’y dérogent pas. Le mascaron, symbole identitaire, de notoriété va donc devenir très tendance.
Les mascarons au XIXe siècle – Le trop plein de mascarons sur les façades au XVIIIe siècle va être décrié et ils vont peu à peu tomber en désuétude et disparaître progressivement de l’espace public. Au XIXe siècle, ils vont se faire beaucoup plus discrets et afficheront leur esthétique sur des maisons de caractère de type haussmannien au style éclectique et décors opulents…./…
LES MASCARONS Suite… L’Ami de Pézenas – Septembre 2020
Faits divers à Pézenas des mascarons « en quarantaine » par Anita franco
Les mascarons à agrafe de Pézenas sont en calcaire coquillé. Cette pierre étant poreuse, on a soupçonné le Covi19 de s’être dissimulé dans certains mascarons. De crainte qu’ils ne conta-minent leurs congénères, on les a mis en quarantaine. Le temps du confinement révolu, le svoici dans ce numéro pour compléter leur famille nombreuse présentée dans le numéro de L’Ami de Pézenas de Mars 2020.
ADP Bulletin 94 page19-22-Des-mascarons-en-quarantaine par Anita Franco
Graffiti insolite une pierre supplémentaire au patrimoine pontois
par le Dr François Rabussier
article paru in extenso dans le Bulletin ADP Mars 2023 N°104 p 4-9
Cette phrase déjà citée par Pierre Senillou dans son livre « Pons à travers l’histoire » était restée énigmatique et c’est la recherche de sentences similaires qui nous permet de mieux la comprendre.
En effet il existe à ce jour quatre autres sites où cette même phrase est utilisée :
1- A Pézenas (Hérault).
2- A Margon (Hérault).
3- A Québec (Canada).
4- Dans les Mémoires de Latude.
Pézenas
L’inscription de Pézenas est la plus ancienne, elle est datée de 1581, on en connaît bien l’origine grâce au livre de Pierre Paul Poncet Histoire de la ville de Pézenas qu’il écrivit en 1733
:
« En venant des Observantins à la descente qui vient de la ville, on trouve sur la droite une porte bâtie depuis les constructions de ce même pont (NDLR : pont de l’Observance, aujourd’hui de Montpellier), où est un chien en relief, de pierre de taille, couché sur ses pattes, tenant des deux de devant un os qu’il ronge. Au bas de cet animal est une pierre d’une autre nature, de presque un pied en carré, où l’on lit ce millésime : 1581 et au bas, il y a quatre lettres capitales, dont on a bien de la peine à déchiffrer, car on n’en peut distinguer que deux, les deux premières, la troisième étant entièrement emportée, la dernière paraît un R ou un D.
Le jardin est fort ancien, car il appartenait en 1340 à Pierre Robert, fils de feu Pons Robert, habitant du château de Pézenas et, avant ceuxlà à Bernard Rossel … Par succession de temps, ce jardin appartint à M. Delbousquet, qui, après sa mort, les héritiers le vendirent à M… bourgeois de cette ville : et ce dernier en fit rente au nommé Antoine Boyer, jardinier, dont Pierre Boyer son fils, a hérité. Celui-ci m’a expliqué cette inscription, dont il tient la tradition de père en fils, plusieurs personnes m’ont assuré la même chose. Ainsi sur aveu sincère, en voici l’explication. M. Delbousquet avait une métairie proche de Saint-Simian (Siméon) le vieux, où il avait une superbe orangerie. M. le Connétable l’ayantdécouverte du château de Pézenas, et trouvée de son goût, la demanda au sr Delbousquet, mais le silence de ce gentilhomme fit comprendre à ce duc qu’il ne voulait pas s’en défaire. Fâché d’un tel refus, il la lui fit enlever cette même nuit. Le lendemain matin, le sr Delbousquet, ayant aperçu les traces de ce désordre, comprit fort bien que c’était l’effet d’un ordre de ce duc, occasionné par l’impolitesse de son refus lorsque celui-ci lui en fit la demande. Ne pouvant se venger de cet affront sanglant contre M. le Connétable, il imagina de faire sculpter le chien dont il vient d’être parlé, avec l’inscription énigmatique cidessus inscrite et, pour s’en venger, il se contenta de faire placer ce chien et graver
l’inscription dont il donne l’explication par les quatre vers suivants :
JE SUIS LE CHIEN QUI RONGE L’OS,
EN LE RONGEANT JE PRENDS REPOS,
UN TEMPS VIENDRA, QUI N’EST PAS VENU,
OU JE MORDRAI QUI M’A MORDU. »
Albert-Paul Alliès, dans son ouvrage « Une ville d’Etats » ajoute que M. Delbousquet réussit à se venger en ne secourant pas, un soir de tempête, le connétable dont le carrosse s’était enlisé dans des fondrières, l’obligeant à passer la nuit dans sa voiture cernée par les
eaux.
Le chien qui ronge l’os est resté en place près du pont de l’Observance jusqu’en 1894, époque à laquelle Charles Ponsonailhe le fit transporter au domaine Saint-Julien où il setrouve toujours, dans le jardin face à la demeure.
…/…/
Margon…
Quebec…
Les Mémoires de Mazers de Latude…
Pons...
…/…
Par qui ?
La porte est ouverte à toutes les hypothèses mais aux vues des données précédentes, j’en privilégie
une. Toutes les autres mentions de ce texte sont en rapport avec la région de Pézenas où cette sentence était bien connue, mais cette connaissance se limitait à la région proche. On peut donc en déduire qu’à Pons comme ailleurs elle est l’oeuvre d’un habitant de la région de Pézenas, de plus, de quelqu’un qui savait écrire, donc d’un bon niveau social pour l’époque.
Ce genre de graffiti gravé dans des conditions inconfortables, exactement comme celui de Margon, est souvent l’oeuvre d’un prisonnier qui occupe son temps comme il le peut tout en ruminant sa rancoeur contre ses geôliers. A cette période, les protestants (RPR : Religion Prétendue Réformée) persécutés qui avaient reçu des renforts du Languedoc pour le siège de La Rochelle, recevaient alors l’aide de prédicateurs
de cette même région.
Notre graveur était donc emprisonné à Pons, sans crier vengeance, il demandait seulement justice contre un adversaire intouchable, peut-être, ironie du sort, les mêmes causes produisant les mêmes effets, fuyant les persécutions, se rendaitil à La Rochelle pour embarquer pour le nouveau monde, comme Timothée Roussel, catholique convaincu, avait quitté Mauguio devenu un fief protestant pour se rendre à Québec !
Docteur François Rabussier