Autres Traditions
Les Cavaliers du Froid ou (Grands Chevaliers) et Les Saints de Glace
Chaque année courant avril, voit ressurgir une période de froid que la tradition populaire associe aux Cavaliers suivis des Saints de glace
Depuis le Haut Moyen Age, la tradition populaire veut que le cultivateur se méfie de l’arrivée à la mi-avril et jusqu’au mois de mai, d’une période à la météo redoutable, changeante , pouvant apporter froid, gel et dégâts importants aux cultures et en particulier à la vigne. En l’absence de prévisions météo à l’époque, les dates des fêtes des saints étaient autant de repères très observés par les jardiniers. Ces saints étaient implorés par tous les cultivateurs pour écarter le froid et le gel des récoltes.
Les Cavaliers du Froid : St Anicet, 17 avril, St Georges (Georget) 23 avril, St marc (Marquet) 25 avril, Ste croix (Crouzet) 3 mai et St Jean-Pörte latine (Janet) 6 mai
les Saints de Glace : St Mamert, 11 mai, St Servais, 12 mai, St Pancrace , 13 mai, Aujourd’hui Ste Estelle (11 mai), St Achille (12 mai) et Ste Rolande (13 mai), St Boniface, 14 mai et St Urbain, 25 mai étaient les derniers nommés parfois.
Saint Mamert était archevêque de Vienne. Mort en 474, il avait institué les « Rogations ». Il avait ordonné que, durant les trois jours précédant l’Ascension, les hommes fassent des prières contre les calamités. (la date des saints de glaces est fixe et celle de la fête de l’Ascension mobile). Saint Pancrace est fêté le 12 mai. C’est le patron des enfants. Neveu de saint Denys, il décéda en 304 à l’âge de 14 ans. Quant à Saint Servais, on le fête le 13 mai. Il s’agissait de l’évêque de Tongres en Belgique, décédé en 384. Il aurait été martyrisé à Milan.
« Gelées de Saint-Georges, Saint-Marc, Saint-Robert, Récoltes à l’envers. », « Entre Saint-Georges et Saint-Marc, Est un jour d’hiver en retard. », « Les Saints-Servais, Pancrace, Mamert, Font à eux trois un petit hiver. », « Au printemps ramène l’hiver, Pancrace, Servais et Mamert. », « Mamert, Pancrace, Boniface, Sont les trois Saints de glace, Mais Saint-Urbain, Tient tout dans sa main. », « Le bon Saint-Boniface, Entre en brisant la glace. »- un dicton du 13 mai : « Saint Servais, quand il est beau, tire saint Médard de l’eau ! »
Passées ces dates , représentant dans la pensée populaire l’ultime offensive du froid, la tradition voulait qu’on puisse semer et planter sans plus craindre le gel.
Cette petite période de froid pourrait être expliquée par le fait qu’aux environs du 12, 13 mai, la Terre traverse un disque de poussières diffuses dans le système solaire, provenant de résidus de la formation de planètes.
Un dimanche au Foyer des campagnes
le LOTO
par Emmanuel Médina
Article paru in exrtenso dansn le Bulletin ADP Décemnbre 2022 N°103 p-4-7
J’ai passé les premières années de ma jeunesse à Pézenas. Et le dimanche après-midi à Pézenas, on joue au loto*.
Le loto fait partie de l’héritage culturel piscénois et occitan de manière plus générale. Dans l’histoire de Pézenas, on avait l’habitude de jouer au loto dans les cafés, le dimanche en fin d’après-midi, parfois même dans un local de plein air dans des occasions exceptionnelles.
Claude Alberge dans son ouvrage « Le Paradis perdu » * nous parle de son grandpère en 1939-1940 : « Sa seule distraction était de se rendre au café, le dimanche en fin d’après-midi, d’où il ramenait souvent un colvert ou une bécasse, qu’il avait gagnés au jeu de loto. Les cafés étaient encore très nombreux, mais il allait toujours au même, au café Marseillais… »
Pour attirer les amateurs, sous une forme de publicité visuelle les vitrines présentaient à l’avance dans un alignement attractif les lots à gagner constitués essentiellement de volailles.
Un divertissement ludique avec ses règles
C’est ensuite devenu un divertissement ludique au profit d’une cause caritative ou associative. Ce moment de convivialité et de chaleur correspondait dans le calendrier aux périodes de frimas et d’obscurité grandissante. Durant la saison hivernale, certaines soirées de fin de semaine et, surtout chaque dimanche, des personnes âgées ou moins âgées se retrouvaient au Foyer des Campagnes à Pézenas en fin d’après-midi pour partager, soutenir et gagner…
Le loto a ses règles : des quines, des cartons pleins et des trains de plaisir étaient proposés avec des lots alimentaires ou non.
En dehors du côté festif, certains joueurs allaient au loto pour tenter de gagner de quoi améliorer leur ordinaire et l’alimentaire en particulier, car il était intéressant de revenir le soir à la maison avec un jambon ou une volaille…
Pour gagner une quine ou un quine, il faut obtenir une ligne horizontale de cinq numéros, or il existe trois lignes sur un carton. Le carton plein, comme son nom l’indique doit être intégralement rempli pour permettre le gain. Concernant le train de plaisir, cette appellation délicieuse convie les joueurs à jouer successivement trois parties sans démarquer avec trois étapes de gain : quine, double quine et carton plein. Dans différents lotos, cesparties multiples ont toujours été rattachées au monde ferroviaire, qu’il soit de la chance, du plaisir ou du bonheur. Elles ont été conçues pour apporter un réconfort aux joueurs frustrés d’avoir attendu un dernier numéro et s’être fait doubler in extremis parun autre joueur.
Quand on marque les numéros, il y a un vocabulaire : 2 numéros sur une ligne c’est une jambe, 3 un terne.
Je me revois assis à côté d’une population d’un certain âge ou plutôt d’un âge certain exprimant leur joie ou leur attente à la vue d’un terne voire d’un quaterne (ultime étape avant le gain) et interpellant le Nommeur par un « va le chercher ! » ou encore un « Monte-le !» exprimé parfois en langue d’oc « Monta Lou ! »
Importance du Nommeur
Car il existe un personnage essentiel au loto. C’est le Nommeur. Le Nommeur, véritable animateur et roi de la fête nomme les numéros pour que le public les marque à l’aide de pièces Marianne de 5 centimes, de papiers, de grains de maïs ou pour les mieux équipés de pièces métalliques faciles à enlever avec un aimant adapté. Ces personnalités qualifiées et dignes par leur savoir et leur humour de diriger la fête ont été nombreuses et recherchéespar les organisateurs de ces parties annoncées en ville par des affiches prometteuses et donc
alléchantes. On les attendait et on était ravis de retrouver ces personnages sur la scène de notre salle des fêtes. Derrière lui assis à sa table, le décor était planté avec les dindes et les jambons accrochés à une large barre horizontale. Maintenant, il fallait commencer les annonces… La partie était ouverte sur une quine avec : une volaille, une bouteille, un gâteau presque toujours un mille-feuille offert par un pâtissier local.
J’ai connu un Nommeur exceptionnel. Il s’appelait Jean-Paul Alloiteau. Il officiait durant les lotos fleuves (50 à 60 parties) de la Ligue contre le Cancer.
Chose étonnante, les jours précédant ce loto, on pouvait entendre dans les rues « Dimanche, je vais au cancer ! » Véritable prédicateur, Jean-Paul avait l’habitude d’annoncer les numéros avec une appellation.
Ces différentes appellations associées aux numéros pouvaient être pour certaines assez universelles dans le monde du loto et je pense au « docteur » pour le 33 ou « le pastis » pour le 51. Mais Jean-Paul était le seul à pouvoir trouver des définitions pour tous les numéros. Véritable tribun, il invitait ses ouailles à découvrir ses dernières trouvailles. Pour lui, le loto était une affaire sérieuse. Il affichait un mélange
savant d’autorité et de bienveillance.
Faire un glossaire de toutes ces appellations mériterait un ouvrage entier
Celles-ci étaient divisées en plusieurs catégories. Dans ce florilège si évocateur, la géographie arrive en tête car les pions du loto vont de 1 à 90. Jean Paul, connaissant ses 90 départements par coeur, il annonçait donc « la Creuse » pour 23 ou « le Finistère » pour 29. Pour le 12, il qualifiait notre département voisin d’« Aveyron pittoresque ». Cependant, il utilisait aussi les chefs-lieux comme « Pau » pour 64 ou « La Rochelle » pour 17. Et souvent il énonçait les spécialités de la région. C’est ainsi que le 43 pouvait être annoncé par « Le Puy en Velay », ou la « verveine du Velay » pour finir par « la verveine ». « Un parfum de violettes » nous venait du numéro 31 et donc de Toulouse.
Phénomène extraordinaire, ces différentes métonymies* étaient apprises par les joueurs qui finissaient par dire : « il me manque « les nougats » pour 26 » ou bien « Les Verts » pour 42 en référence aux maillots de l’équipe de football, les verts de Saint Étienne. Certains éléments étaient également détournés au profit de jeux de mots comme « Speedy » pour 64 ou « les pros du Pau » ou encore « Il est l’Eure » pour 27. Plus régional, 6 c’était « Balaruc » car c’est avant Sète et 8 devenait « Frontignan » car c’est après Sète. La ville de Sète étant largement mise à contribution à cause de son homophonie* avec le chiffre : « Ville d’eau et de lumière ». On retrouve cette homophonie dans le 3,« en Champagne ». Je me rappelle encore de « Montauban, tout le monde descend » pour le 82 ou « il n’y en a pas de Calais » pour le 62.
Certaines références cocasses font appel au senstrivial comme « les culs-blancs de la Grande Motte » pour 75 rappelant l’exode historique estival des parisiens peu bronzés dans les grandes tours conçues par Jean Balladur dans les années 60. Le 75 est d’ailleurs sujet à des appellations railleuses comme « les envahisseurs », « les doryphores » pour cultiver l’identité provinciale face à la capitale. Parfois une ville est utilisée à dessein comme dans les Yvelines la ville de Houilles, le 78 devient « Houilles ça fait mal », enfin Jean Paul nous informait de « ce qu’il ne boitjamais… Evian » 74
La géographie est donc essentielle au loto et j’avoue avoir appris beaucoup de choses durantces longues parties.
Mais les références ne sont pas que géographiques, elles peuvent être médiatiques, culturelles ou historiques. Ainsi on peut fondamentalement dater certaines appellations comme « Jean Nohain… 36 » pour
l’émission « les 36 chandelles » ou « Jean Claude Bourret », ardent défenseur de la 5 avant qu’elle ne ferme. « Les yeux de Dalida » pour le 88 a toujours suscité des réactions semi indignées avec dans la salle des injonctions régulièrement entendues comme « Laisse la tranquille Dalida » ou « Brigitte Bardot » pour 55, en référence aux courbes avantageuses aperçues dans « Et Dieu créa la Femme » de Roger Vadim ou « le Mépris » de Jean Luc Godard. Le 11 pour « Françoise Hardy » en référence à ses jambes interminables. « Khadafi » est « l’homme fort » pour le 14, « Saint Joseph » le 19 en hommage à la fête patronale du 19 mars. Cette référencea même évolué en « jojo ». « La petite révolution » est le 68, « la grande » le 89 pendant que « l’année des rats » demeure le 70. « Les frères Jacques » sont 4 et « les ménestrels » sont 3. Le 25 c’est « la Noël » ou pour Jean Paul « Jésus, Marie, Joseph et la suite… ». La forme des numéros, leur ordre ainsi que leur prononciation peut faire l’objet également d’un commentaire du Nommeur, ainsi « le premier de mille » est le 1 qui peut aussi s’appeler « la bougie », « la pleine main » le 5, le 8 c’est « la cacahuète » et le 17 « la
potence et son pendu ». Jean Paul inventera d’ailleurs son inverse « le pendu et sa potence » le 71. « La moitié du fourbi » le 45 et « le Papet » pour le plus grand numéro 90 accompagné de « la Mamet » 89. Il est étonnant d’observer que beaucoup de joueurs demandent des cartons avec le 90 en guise de superstition. Les rimes sont également travaillées : « le zizi en bronze » 71, « ne pas avoir la tête comme un oeuf » 49, « et
patati et patata » 53. Jean Paul améliore même les classiques « docteur » 33 en « allonge toi et tousse » et il joue avec le public en créant un suspens quand il annonce c’est « un Louis » ensuite au choix du 14 au 18. Il peut aussi dire « il y a un trou ou une bulle ». Ce sont les numéros qui se terminent par un 0. Chaque bulle a sa dénomination du « deque dix », le plus petit des trous au plus gros « à Lamalou » 90 en passant par 20 « sans eau », « l’amour » ou « les crocodiles » pour le 30 et « la marine » 40, « le bel âge » 60.
On peut enfin noter des appellations auxallusions grivoises. Ces numéros ont toujours tendance à choquer certaines personnes de l’assistance même si cela reste fort bon enfant : « Elle est en haut » ou « le facteur commence la tournée » 6 avec son pendant si je puis dire « elle est en bas » ou « le facteur a fini la tournée » 9, « le préservatif » 1, « attention ça glisse » 68, sans oublier les fameux « en voiture Simone, toi tu conduis moi je klaxonne » 69 et « Baisse le pantalon et lève la blouse » 72. Jean Paul parlera de « la bonne année » 51 car c’était son année de naissance ! Ce même numéro qu’il servait « avec un peu d’eau ».
Parmi la galerie de Nommeurs savants et enthousiasmants dont de nombreuses générations se souviennent, je souhaitais rendre hommage à cette figure piscénoise, généreuse et forte en gueule qui nous a quittés en ce début d’année 2022. Il a marqué par sa verve, son charisme et sa gentillesse mes jeunes années piscénoises. Il est encore un des plus grands Nommeurs dans le coeur des amateurs de loto piscénois. Qu’il repose
en paix au pays des « fadas » le 34 !
Emmanuel Medina
*Le nom de « loto » vient de l’italien « lotto », qui signifie
« lot ». Il s’agit de l’appellation la plus courante tant en
Belgique, en France ou en Suisse.
*Claude Alberge. « Le Paradis perdu-Un enfant et la
guerre 1939-1945 ». FLAM Sète 2013.
*Une « métonymie » est une figure de style qui, dans la
langue ou son usage, utilise un mot pour signifier une
idée distincte mais qui lui est associée.
*L’homophonie : des mots qui se prononcent de la même
manière mais qui n’ont pas le même sens.
« MEMOIRES PARTAGEES »
DANS LA REGION LANGUEDOC-ROUSSILLON
CIRDÒC Le 22 janvier 2014, Marcel Mateu, président du CIRDÒC, signait une convention avec la Région Languedoc-Roussillon pour rejoindre Mémoires partagées. Les films amateurs conservés par le CIRDÒC rejoindront à terme cet ambitieux projet porté en Languedoc-Roussillon grâce au partenariat entre l’Ina, la Région et l’Institut Jean-Vigo.
I/ Mémoires partagées : coup de projecteurs sur les films amateurs
Avec Mémoires partagées, l’Ina (Institut national d’audiovisuel) offre un autre regard sur l’actualité, celui des films amateurs. Depuis 2012 et le lancement du dispositif, l’Ina s’associe aux acteurs-clés de l’audiovisuel en région afin d’assurer la collecte et la diffusion du patrimoine audiovisuel amateur.
Le 22 janvier dernier, le Languedoc-Roussillon rejoignait le projet par la signature d’une convention tripartite entre l’Ina, la Région et l’Institut Jean-Vigo. La cinémathèque eurorégionale de Perpignan aura en charge le travail de collecte et de sauvegarde du patrimoine audiovisuel amateur régional.
II/ « Escampetz pas los vòstres filmes »
« Ne jetez pas vos films » tel est l’appel lancé depuis 6 ans par l’Institut Jean-Vigo. La cinémathèque dans le cadre de ses missions de sauvegarde et de valorisation du patrimoine audiovisuel, mène ainsi de grandes campagnes de collecte auprès des particuliers, en vue de préserver des supports souvent fragiles.
La signature du partenariat avec l’Ina vient reconnaître le travail mené par l’association. Il apportera également une visibilité nationale au patrimoine audiovisuel régional.
III/ Focus : Découvrez les films de Cans, mémoire de l’Hérault des années 1950
A l’occasion de la présentation de cet important partenariat à la presse, le président du CIRDÒC, Marcel Mateu signait une convention de partenariat afin que les vidéos collectées et conservées par la médiathèque occitane rejoignent les outils de diffusions régionaux et nationaux.
Les films réalisés par Michel Cans dans le département de l’Hérault des années 1950-1960, également disponibles sur Occitanica.eu, viendront ainsi contribuer à la connaissance du patrimoine audiovisuel régional.